mardi 2 septembre 2014

Souffler le chaud et l'effroi

Aenur est posté sur les hauteurs des cavernes, le regard balayant la forêt qui s'étend devant lui, sa cape de drow le camouflant dans les ombres de la nuit, sa capuche relevée on ne pourrait voir que ses yeux d'un rouge sombre percer au travers, si toutefois on fixe du regard l'endroit où il se trouve. Il a été attiré de suite par l'être qui déambule parmi les arbres, remarquant son appartenance à la vermine humaine il se contente d'observer pour l'instant, la femme ne représentant aucune menace, et encore moins d'intérêt pour le drow, l'elfe étant sa proie favorite.

Elaine traverse les bois d’un pas plutôt vif. Elle en connaît les dédales de verdure et ne risque certainement pas de s’y perdre. Elle en sait surtout les périls et, n’ayant pas trouvé ce fichu Zéphyr pour l’escorter afin d’accomplir une mission urgente, elle s’est retrouvée contrainte de s’y rendre seule. Une vie humaine est en jeu, lui a assuré l’alchimiste passant commande.

Elle lorgne sur le parchemin qu’elle tient en main d’un œil un peu contrarié afin de scruter les sous-bois de ses prunelles d’experte. Là. Elle reconnaît nettement le chapeau bleuté du fameux champignon. Lactarius Indigo. Elle se précipite auprès de sa précieuse trouvaille avant de s’accroupir, dégainant un petit couteau afin d’en sectionner le chapeau sans avoir à arracher l’intégralité du champignon : « C’est pas trop tôt… », marmonne-t-elle d’un ton revêche.

Aenur continue d'observer la vermine humaine, elle était entrée dans son champ mortel depuis un moment, mais à cette distance la elle n'aurait même pas le loisir d'entendre le sifflement d'air avant que le carreau de son arbalète ne l'atteigne, pas pour la tuer non, mais celui-ci, enduit du poison classique des drows provenant de l'outre-terre immobiliserait instantanément l'humaine, d'un mouvement assuré sa paume se pose sur la crosse de son arbalète de poing, ses iris carmin ne quittant pas le moindre mouvement et les environs en contrebas.

Elaine rengaine le couteau avant de ranger précieusement le champignon dans l’une des petites poches à sa ceinture. Elle ramasse la liste, laissée dans la mousse quelques instants auparavant, et se met à en lire le contenu, ponctuant le tout de remarques : « Hm… Donc, ça c’est bon. » Moue boudeuse : « Comment veut-il que je trouve des amaryllis en cette saison ? » Elle grogne mais elle sait qu’elle trouvera. Elle trouve toujours. D’habitude, il y a Zéphyr qui monte la garde et qui l’écoute râler. Mine de rien, ça lui manque de n’avoir personne sur qui grogner. Petit soupir tandis qu’elle achève la lecture. Elle relève le museau et scrute le sol des environs avec attention.

Asheera arpente les chemins verdoyants des monts lorsqu'elle tombe nez à nez avec une femme à la même couleur capillaire qu'elle, ne remarquant pas encore le drow sur le rocher. Asheera aura un mouvement de recul, tout en fixant la femme en penchant la tête sur le côté, un lueur étrange dans le regard.

Aenur est toujours immobile comme une roche, ne faisant qu'un avec l'environnement où il se trouve, il a appris au fil de ses longues années à la surface, en tant qu'éclaireur, à ne faire qu'un avec toute chose, et la nuit est sa plus fidèle alliée, observant toujours l'humaine qui semblait être en pleine collecte, un drow habitué à l'outre-terre uniquement aurait pu voir en elle une imitation d'elfe, mais pas lui. Non, elle est plus une sorte de marchande de plantes en pleine quête de produits... Son regard bascule alors directement sur l'autre vermine humaine qui s'approche sans même prêter attention au lieu. Deux vermines, cela devient plus intéressant et celle-ci non plus n'entendrait rien quand il tirerait le carreau de sa seconde arbalète, dont la crosse était déjà caressé par son autre main...

Elaine pousse un petit cri ravi. Là, au pied de ce sapin, se dressent les fleurs azurées d’une scutellaire, brandissant le bleu céruléen de leurs pétales rétractés. Elle allait se précipiter sur le trésor botanique quand une ombre se dresse à côté d’elle. Elle n’est pas peureuse mais elle fait toujours preuve de prudence, aussi tourne-t-elle la tête avec une pointe d’appréhension.

Les traits juvéniles de son minois se font doux lorsqu’elle réalise qu’il s’agit d’une jeune femme en robe. Elle fronce le nez, un peu interloquée par la manière étrange dont elle la regarde. Elle la gratifie donc d’un sourire avenant : « Salutations, ma dame. » Commerçante avant tout, elle perd tout son caractère revêche lorsqu’elle se retrouve en bonne compagnie : « La nuit est agréable aujourd’hui, ne trouvez-vous pas ? »

Asheera observe la scène qui se déroule devant elle : un cri de joie pour une plante ? Elle ne trouvait de logique rationnelle là-dedans pour sa part. Elle aura un léger soupire blasé. Avant de froncer les sourcils et de la regarder encore plus bizarrement quand elle lui fera un sourire. Du coup, elle regarde derrière elle s’il n'y a pas quelqu'un d'autre. Non, personne. Visiblement elle s'adresse à elle, mais aucun sourire ne sera fait en retour : « Salutation, les nuits sont toujours plus agréables que le jour. » dit-elle simplement d’une voix froide, sans aucune intonation.

Elaine perd peu à peu son sourire, celui-ci laissant place à un air à la fois intrigué et méfiant. Elle est parfaitement consciente qu’il y a des gens… des choses étranges dans les bois. Et s’il n’y avait pas urgence, elle se serait bien gardée d’y aller seule. Elle rit légèrement, gênée : « Hahaha… Oui, hein. C’est plus… calme et plus… sombre et euh… plus frais. » Ses yeux vert de mer courent sur la jeune femme, la détaillant de haut en bas, s’arrêtant longuement sur son visage comme pour en percer les secrets :
« Vous m’excuserez mais je vais aller ramasser cette plante avant qu’elle ne se sauve… » 

Nouveau rire crispé. Comment ça ce calembour est minable ? Elle se précipite vers le sapin à petits pas. Elle jette tout de même un coup d’œil derrière elle, à la dérobée, espérant peut-être voir que cette femme se décide à poursuivre son chemin.

Trishna ne semble pas s'émouvoir du rire, mais elle remarque bien par contre la gêne et peut être même la légère inquiétude de la jeune femme et elle s'en amusera en esquissant un sourire machiavélique l'accompagnant d'un regard de la même trempe. Avant de reprendre son chemin d'un pas lent et assuré. Mais la crainte de celle-ci l'amuse que trop et la divertit dans son ennuis alors, discrètement, elle fera naître quelques flammes dans sa mains avant de les envoyer à  une cinquantaine de centimètres des pieds de la jeune femme. Juste de quoi la faire sursauter. Elle l’éteint aussitôt en refermant la main et s’éloigne désormais pour de vrai.

Elaine constate avec satisfaction que la femme s’éloigne. Elle reporte finalement les yeux sur le sol et garde les pupilles rivées sur la fameuse scutellaire. Elle en prélève des échantillons avec une délicatesse et une habileté qui témoignent d’un grand savoir-faire. Cela l’apaise rapidement et elle retrouve sans tarder tout son aplomb…

Jusqu’à ce qu’une flamme ne vienne échouer sur la mousse, non loin de sa botte gauche. Surprise, elle lâche les fleurs qu’elle vient de cueillir et pousse un cri de frayeur. Saletés de magiciens. Par bonheur, l’humidité du sol ne permet pas à l’étincelle de créer quelque brasier… Les yeux écarquillés, la bouche en rond, elle tourne lentement le visage dans la direction du projectile magique, priant pour qu’elle ne soit pas en train d’en charger un autre… La femme semble vraiment partir : « Putain… » souffle-t-elle, encore choquée.

Aenur avait observé en silence les deux humaines qui s'approchaient de la grotte, et par ce fait de l'une des entrées de l'outre-terre, elles s'avançaient de trop à son goût, et alors qu'il verra l'une d'elle enflammer le sol il ne comprendra que trop bien ce qu'elle est, son intérêt est éveillé, là. Une mage faisait toujours un bon sacrifice, resserrant ses paumes sur les crosses de ses arbalètes, s'amusant au passage de la réaction de la cueilleuse, il laisse alors entendre une voix lugubre et sombre :

 « Quittez ces lieux sur le champ....les ombres les possèdent... » restant toujours camouflé dans les dites ombres, les yeux rivés sur ses cibles.

Elaine se remettait tout juste de sa frayeur enflammée qu’une voix bien glauque retentit à son oreille, venant… d’en haut ? Elle lève les yeux avec lenteur, appréhendant probablement ce qu’elle va voir. Encore un fou ? Un démon ? Un vampire ? Une ombre encapuchonnée. Une petite voix, au fond d’elle, lui dit de courir très très vite et de ne jamais ressortir dans cette forêt sans la compagnie d’une armée. Mais sa rencontre avec la magicienne l’a clairement perturbée et elle se contente de sourire d’un air innocent –idiot, diront certains- tout en demandant d’un ton tout aussi béat : « Euh… Pardon ? »

Aenur esquisse un sourire en voyant que la femme ne se mets pas a courir vers la ville, une once de courage peut-être, vaine de toute façon, après leur passage en ville la veille beaucoup devaient être au courant de leur présence de toute façon, mais d'aucun ne savait ou il résidait, Aenur restera tapi dans les ombres, se mouvant silencieusement, avec agilité et rapidité vers un autre point des hauteurs, sa voix glauque se faisant a nouveau entendre :

« Je suis l'ombre....la lame dans la nuit qui t'ôte la vie....quitte ce lieu ou embrasse l'ombre éternelle… »

Trishna s'amusera a s'assoir a même le sol non loin de la jeune femme au plantes, et la voix sombre et mystérieuse, sa robe verte lui procurer l'avantage de se dissimuler mais ses cheveux a contrario étaient peu discrets, mais ça elle s'en contre carre. Paisiblement elle s'adosse à l'arbre. Observant la scène sans sembler vouloir bouger le petit doigt au pire elle meurt l'herboriste et cela ne lui fera ni chaud ni froid. Gentille, hein ?

Elaine ouvre à nouveau la bouche en rond. Il est sérieux, là ? Cette réplique est à la fois effrayante et ridicule… Elle hésite quelques instants entre éclater de rire, style tu m’as bien eu mais ça marche pas avec moi ton délire d’ombre de la nuit super méchante et partir en courant. Sa voix enfantine, scandalisée, s’élève dans l’air parfumé de la sorgue :

« Mais la forêt est à tout le monde ! J’ai besoin de ces plantes ! »

Putain. Pourquoi a-t-elle dit ça ? Mais pourquoi ? Petit raclement de gorge confus. Elle jette un coup d’oeil aux fleurs qui gisent à ses pieds. Maintenant qu’elles sont coupées, elle ne peut tout de même pas les laisser là. Histoire de retrouver un peu de contenance, elle se penche donc pour les ramasser et les ranger consciencieusement dans sa besace.

Trishna manquera de rire quand elle entendra Elaine se scandaliser ainsi. Mais elle se retient, pour ne pas faire remarquer sa présence, discrète et silencieuse, sachant se fondre dans le décor comme elle l'a toujours fait toute sa vie. Elle lève le nez en direction de monsieur l'ombre ténébreuse, oui oui redondance. Un fin sourire se dessinant sur ses lèvres comme attendant la suite sadiquement allé-t-il lui faire voler la caboche ou pas? Ou peut être l'éviscérer? Dans tout les cas un peu de sang qui gicle la divertirait dans son délire psychopathe.

Aenur garde son sourire dissimulé sous sa capuche, l'innocence de ces deux vermines face à la menace qu'il pourrait représenter, la menace de son peuple, l'amuse. Par contre, ce qui l'amuse moins c'est la présence de la mage qui ne bouge pas, il avait apprit lors de ses nombreux raids à la surface à s'en méfier et à agir plutôt qu'a prévenir.

Le maitre éclaireur allait passer à l'action, dégainant ses arbalètes de poing, ambidextre de nature chacune visa un point pile a coté des têtes des humaines, les deux carreaux partirent en même temps, ce coup la elles pourraient entendre l'air siffler, se demandant bien d'ailleurs comment la mage avait pu le voir avec sa cape drow prenant la couleur de l'environnement ou il se trouvait, mais ce n'est qu'un détail en soi, il est maitre de son terrain de jeu... Se déplaçant directement après avoir tiré, toujours en un mouvement furtif.

Elaine devient pâle comme un linge. Ce sifflement. Non. Ce carreau d’arbalète, planté, là. Si proche de son visage. Elle regarde avec une effroyable fascination la sève qui coule le long de l’écorce du pin, sous le terrible projectile. Cela aurait pu être son sang sur sa peau, s’il l’avait voulu, se dit-elle. Elle ne poussera pas un cri. Il est des peurs qui laissent simplement muet, dépouillé de toute parole. Ses mains se relâchent les premières. Ses jambes deviennent cotonneuses et elle se surprend à rester consciente malgré l’état de terreur pure dans laquelle la proximité de la mort vient de la plonger. Livide, haletante, le regard fixé sur l’arbre comme s’il ne pouvait plus s’en détacher ; elle reste immobile, l’esprit tellement embrouillé qu’il ne fonctionne plus du tout.

Trishna entend le sifflet du carreaux passer juste a côtés de son oreille, ses cheveux volant au passage. La ça l'amuse encore plus, il l'avait donc remarqué dommage, elle ne savait pas exactement où il était mais chaque fois qu'il parlait elle arrivé a le situé a peut prés sur le rocher. Un rire tout aussi machiavélique que son sourire plutôt se fit entendre : « Eh bien...Eh bien... Ombre des ténèbres crois-tu me faire peur ? » Sa voix sonne comme celle d'un démon venu d'outre tombe alors qu'elle est bien humaine. Mais depuis au moins deux ans elle avait épousé le chemin de l'enfer et ne semble pas effrayée pour le moins du monde par la mort.

Son regard se faufilera sur la jeune femme tellement apeurée, qu'elle ne bouge pas d'un poil, ce qui la fit rire encore plus se moquant presque d'elle avant de s'adresser a elle d'une voix ferme et forte : « Cours si tu tiens à la vie ! » ce n'est pas tant pour que la vie soit sauve de l'herboriste qu'elle agit ainsi. Elle espère surtout la voir courir comme un lapin chassé par l'ombre du chasseur.

Aenur amusé d'une part par la peur qui envahit l'une des vermines, un autre amusement venant de la seconde vermine qui semble ne pas craindre la mort, enfin il n'est pas la pour donner la mort, il n'en est qu'un intermédiaire, si son carreau aurait touché les deux seraient inconsciente, mais vivantes, prêtes à être amenées à la prêtresse dans le but d'être sacrifiées à Lolth, sa voix se faisant entendre à nouveau : « Je ne crois rien vermine...contrairement à toi qui crois avoir un semblant de pouvoir...je sais et je suis... » il se redresse alors, sa cape perdant la teinte de la roche pour reprendre sa couleur obsidienne d'origine, tout comme le reste, a la faible lueur de la lune elles ne pourront que voir une ombre a forme humaine, toujours encapuchonnée, ses deux arbalètes tenant en joug les deux vermines :

 « Quand à toi qui semble la plus censée, ramasse tes plantes et quitte ces lieux, l'heure de te tuer au nom de Lolth n'est pas encore venue... »

Elaine expire un souffle rauque et profond. Le hurlement moqueur de la sorcière –mais que fait-elle encore ici celle-là ? – et les propos miséricordieux de l’ombre l’aident à s’extirper du trouble tétanisant dans lequel l’effroi l’avait précipitée. Incapable de dire quoi que ce soit, elle se contentera d’obéir, trop heureuse en comprenant que sa vie est sauve pour le moment. Elle s’incline, ramassant les dernières fleurs de ses mains tremblantes et file sans demander son reste. Incapable de parler comme de courir, la petite herboriste s’éloignera donc en marchant. Pantelante, chancelante et frémissante. Sa silhouette gracile est rapidement happée par les ténèbres des sous-bois. De sa présence, elle ne laissera qu’un souvenir involontaire. Un parchemin, gisant sur la mousse au pied du pin. 

La fameuse liste.

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